MIES (Suisse) - Igokea aborde la partie cruciale de ce qui pourrait être la meilleure saison de son histoire. Vainqueur de six des dix derniers titres de Bosnie-Herzégovine, le club a été tout à fait dominant sur le plan national, surtout si l'on ajoute à cette liste les six derniers trophées consécutifs en coupe nationale. Cette saison, le club se distingue par son classement en Europe et en ligue adriatique. L'équipe de Dragan Bajic est deuxième de la ligue adriatiaque (ABA League) - en passe de réaliser son meilleur classement depuis 2012/13 - et après une victoire cruciale en Lettonie contre VEF Riga, elle est en bonne voie pour se qualifier pour le Final 8 de la Basketball Champions League. C'est déjà le premier voyage en Play-Offs en Coupe d'Europe pour l'équipe de Laktasi, et il semble qu'elle ne soit pas encore prête à descendre des montagnes russes.

Les statistiques et l'histoire jusqu'à présent...

Versé dans le groupe G pour la saison régulière et opposé à l'Hapoel Jérusalem, à Turk Telekom et aux nouveaux venus de Limoges, Igokea était sans aucun doute un petit poisson dans une mare pleine de requins. Si l'on avait évalué les équipes du groupe en fonction de leur pedigree européen, leurs chances de sortir du groupe semblaient minces, voire nulles. Mais le basket ne fonctionne pas comme ça. Igokea a transformé le Laktasi Sports Hall en forteresse, restant invaincu à domicile pendant la saison régulière, ce qui lui a permis de se qualifier pour les Play-Offs aux dépens des géants de la BCL, à savoir l'Hapoel Jérusalem. Ces trois victoires à domicile n'étaient pas non plus le fruit du hasard. Dans la ligue adriatique cette saison, des équipes comme le Partizan, l'Etoile Rouge et le Cedevita Olimpija n'ont pas réussi à s'imposer à Laktasi. Lors des deux matchs de Play-offs, nous avons cependant assisté à une situation inverse, Lenovo Tenerife battant Igokea dans sa salle avant qu'Edin Atic et Anthony Clemmons ne mènent l'équipe à la victoire dans la salle de VEF Riga.

Le graphique ci-dessous présente la saison d'Igokea match par match basé sur l'ensemble des "quatre facteurs" de Dean Oliver. Sur la dernière diapo, nous avons également suivi le nombre réel de possessions d'Igokea dans chaque match, la moyenne mobile étant marquée comme rythme (Pace).

Bien que les huit matchs qu'ils ont joués jusqu'à présent ne représentent qu'un petit échantillon, nous nous attendons généralement à voir une sorte de modèle ou de cohérence statistique dans les matchs qu'Igokea a gagnés. En réalité, nous ne voyons pas de modèle immédiatement clair pour aucun des quatre facteurs. Par exemple, lors de la dernière victoire en Lettonie, Igokea a enregistré son plus faible pourcentage de rebonds offensifs de la saison (19,2%) et s'est également rendu sur la ligne moins souvent que lors des matchs précédents, avec un taux de lancers francs de 0,17.

Le rythme (Pace) est le seul domaine où nous voyons une sorte de modèle. Si nous filtrons uniquement les matchs à domicile d'Igokea, nous constatons un rythme moyen de 69,3 possessions par match contre 72,7 sur la route. C'est encore le cas si nous regardons leurs victoires et leurs défaites. Dans les matchs qu'Igokea a gagné, leur rythme moyen était de 70 contre 72 dans les défaites. Il semble que la lenteur et la régularité sont favorables à Igokea. Maintenant, vous pouvez lire ceci et penser que ce n'est pas une grande différence et sur huit matchs, ce n'est pas une grande déviation. En tout cas, il est peu probable qu'une différence de 2 ou 3 possessions par match soit la principale différence entre une victoire et une défaite. Mais lorsqu'il s'agit de rythme, la différence entre l'AEK, l'équipe la plus lente de la BCL avec 68,3 et le Casademont Zaragoza avec 76,3, n'est pas particulièrement spectaculaire dans toute la ligue. Ce n'est pas seulement cette saison, la différence entre le top et le bas du classement n'était que de sept possessions par match la saison dernière également.

Regard tactique

Ce qui rend la différence entre les rythmes d'Igokea plus intéressante, c'est un regard rapide sur la façon dont Dragan Bajic fait jouer son équipe. Ils jouent dans un style qui peut être décrit comme méthodique. Aucune équipe avec des shooteurs comme Anthony Clemmons, Steven Gray et Edin Atic ne pourra jamais être décrite comme ennuyeuse, donc le mot méthodique ne doit pas être pris pour évoquer ce genre d'image. Mais c'est une équipe qui va jouer au rythme qu'elle veut et chercher le matchup qu'elle veut, quand elle veut le chercher. Il est presque impossible de les bousculer ou de les perturber.

La vidéo ci-dessous est une collection de clips du système offensif fréquemment utilisé par Igokea. Au début de l'attaque, vous les verrez régulièrement se lancer directement dans un 5-out, pick-and-roll "Motion Offense". Après l'écran "Drag Screen" initial, s'ils n'ont pas d'avantage, la balle revient au pivot qui arrive en trailer. Dès que le pivot reçoit la balle, il y a un écran de l'autre côté du terrain. Le premier clip met parfaitement en évidence l'obstination avec laquelle Igokea s'en tient à son tempo. Tenerife a ralenti la passe renversée avec une couverture sur le pick-and-roll mais cela n'a fait aucune différence. Dès que (pas avant, pas après) le ballon a atteint le pivot, ils ont juste repris le rythme.

Le tempo auquel ils jouent permet également à Igokea d'être très réfléchi sur le plan tactique et de trouver des moyens de provoquer l'indécision dans les schémas défensifs de leurs adversaires. Dans le clip suivant, nous les voyons exécuter un set "Horns" avec un écran dans le dos pour le roller, ou "Spain Pick-and-Roll". Remarquez comment ils attaquent l'espace dégagé par le joueur (Steven Gray) qui porte l'écran dans le dos.

Le clip suivant est juste quelques possessions plus tard dans le même match. Cette fois, Steven Gray a changé de coin et a placé l'écran dans le dos depuis l'autre côté du terrain. En faisant cela, ils ont créé un "coin vide" et l'ont utilisé pour créer une isolation au poste bas pour Nikola Jovanovic. De même, nous constatons une fois de plus l'entêtement des joueurs à respecter leur propre rythme lorsque la défense est suffisamment perturbatrice pour rompre le flux des actions..

Pour prendre un dernier exemple de ce tempo affirmé et réfléchi, nous pouvons regarder un autre système souvent utilisé dans la panoplie Horns de Dragan Bajic. Cette fois, l'idée est d'entrer dans une action "Flex" du système initial de Horns. La seule différence est qu'Igokea sortait d'un temps mort et qu'au lieu qu'Anthony Clemmons reçoive un écran dans le dos pour revenir au périmètre pour recevoir le ballon, cette fois Clemmons a posé un écran dans le dos et l'a utilisé pour se démarquer. VEF Riga a été tout aussi perturbé dans ce clip et a switché sur l'écran. Le résultat est que Clemmons a pris son temps pour attraper le ballon, a reconnu qu'il avait un avantage de rapidité après le switch et a fait l'action.

Un domaine du jeu où cette équipe peut être la plus fluide est aussi celui où elle est parmi les équipes les plus efficaces de la BCL : les remises en jeu (spécifiquement depuis la ligne latérale). Igokea marque 1,1 point par match sur les remises en jeu, ce qui les place au cinquième rang de la BCL. L'action dans la vidéo ci-dessous commence par une action que vous verrez presque toutes les équipes du basket mondial exécuter : une coupe dans un pick-and-roll central. Le timing de l'écran "Hammer" pour Atic sur le côté faible était juste trop bon pour la défense.

Sur le plan défensif, Bajic et Igokea aiment mélanger les choses. Ils ont utilisé des défenses de zone plus que n'importe quelle autre équipe de la BCL jusqu'à présent cette saison et avec d'excellents résultats. Ils ne concèdent que 0,8 point par action lorsqu'ils jouent leur défense de zone 3-2. Seul Saragosse est plus efficace et n'utilise pas les zones aussi souvent.

Joueurs clés

Au total, six joueurs ont joué en moyenne plus de 20 minutes par match pour Igokea : Anthony Clemmons, Marko Josilo, Edin Atic, Jackie Carmichael, Dalibor Ilic et Antabia Waller lors de ses quatre rencontres avec le club. Depuis son arrivée, Steven Gray a joué plus de 18 minutes par match. Nikola Jovanovic, Stefan Pot, Darko Talic, et Stefan Fundic ont également joué plus de 12 minutes par match dans la rotation. Tous les joueurs cités sont des rouages essentiels de la rotation pour Igokea, mais à ce stade de la saison, deux joueurs se sont sûrement placés dans la course au titre de MVP de la BCL si l'équipe de Dragan Bajic parvient à se frayer un chemin jusqu'au Final 8 en mai.

Anthony Clemmons

Anthony Clemmons n'est pas seulement le principal meneur de jeu de l'équipe avec une moyenne de 4,4 passes décisives, mais ses statistiques de tirs sont absurdes. 56,8 % à 2-points, 50 % à 3-points et 91,7 % aux lancers, ce qui lui permet de marquer 14,4 points par match. Clemmons est solide, explosif et rusé. Il est à son meilleur en utilisant des angles intelligents et a la force du haut de son corps pour aller où il veut dans le pick-and-roll et il n'y a pas une passe en lob qu'il ne peut pas lancer. Des actions comme la feinte de balle de Rondo dans le clip ci-dessous sont le signe évident d'un joueur qui maîtrise son art et qui apprécie le voyage.

Edin Atic

Edin Atic arrive ! Sa dernière brève aventure dans la BCL était avec l'AEK en 2017/18 alors qu'il n'avait que 19 ans. Aujourd'hui âgé de 24 ans, Atic joue avec plus de confiance à chaque match. À 2,01 m, il possède une panoplie d'ailier en attaque et la force nécessaire pour lutter dans la peinture. 12,8 points, 6,3 rebonds, 3,4 passes décisives, 70% aux tirs à 2-points ( !!), 38% aux tirs à 3-points et 51,4% dans les tirs de champ, voilà des chiffres qui font peur. Mais ce ne sont pas que des chiffres, Atic produit ces chiffres dans des performances qui font gagner des matchs à Igokea dans les Play-Offs.

Nous ne pouvons pas terminer une section sur les joueurs clés d'Igokea sans parler du secteur intérieur. Nikola Jovanovic et Jackie Carmichael ont tous les deux une moyenne de plus de 10 points et font régulièrement des actions énormes pour cette équipe des deux côtés. Carmichael distribue également 2,3 passes décisives par match et si nous suivions les passes décisives sur écran dans la BCL, il serait un placement solide pour être en tête du classement. L'action dans le clip ci-dessous en est un bon exemple. Regardez comment il lit sous l'écran pour Clemmons, puis, alors que son partenaire utilise l'écran pour attaquer le drop, Carmichael pose un nouvel écran à nouveau son propre défenseur pour empêcher l'aide. Une alchimie d'élite entre les deux stars d'Igokea.

Dalibor Ilic n'est pas non plus un joueur à négliger. À 2,06 m et seulement 21 ans, Ilic grandit rapidement pour sa première saison dans une compétition européenne. Quand on voit des actions comme le lob dans le clip ci-dessous, il est temps de réaliser que c'est un nom auquel il va falloir s'habituer dans le paysage du basket européen.

Et maintenant ?

Après la défaite à domicile contre le Lenovo Tenerife, la qualification pour le Final 8 a commencé à sembler hors de portée. La victoire sur la route contre VEF Riga a été bénéfique pour la confiance, mais la confrontation imminente face à San Pablo Burgos jette une énorme ombre à l'horizon. Si vous voulez atteindre le Final 8 de cette compétition, vous devez trouver un moyen de gagner contre des équipes comme Tenerife et Burgos.

Beaucoup de gens s'attendraient-ils à ce qu'Igokea gagne un face à face avec l'un de ces deux géants de l'ACB ? probablement pas. Mais d'un autre côté, peu de gens s'attendaient à ce qu'ils dépassent l'Hapoel Jérusalem dans la phase de poule. Et même s'ils réussissent cet exploit, ils devront encore gagner un autre match contre VEF Riga, qui est lui aussi l'une des surprises de cette saison. Quoi qu'il en soit, n'oubliez pas cette équipe d'Igokea.